Il y a parfois des jeux que l’on aime avant même d’y avoir joué.
Ce sentiment est bien sûr transposable à toutes sortes d’œuvres, c’est une question de proposition et de contexte. Mundaun est, selon sa description officielle, un « conte d’horreur dessiné à la main avec amour et situé dans une vallée sombre et isolée des Alpes ». C’est aussi un jeu vidéo suisse, fait suffisamment rare pour retenir notre attention, créé par un seul homme (Michel Ziegler) pendant presque 7 ans. Encore plus singulier : il s’agit (à ma connaissance) du seul jeu vidéo en romanche, la quatrième langue officielle de la Suisse, parlée par environ 60'000 personnes, uniquement dans le canton des Grisons. Et pour ne rien gâcher, son esthétique en noir et blanc crayonné s’accorde à merveille avec sa dimension folklorique revendiquée.
On a tendance à penser que pour parler au plus grand nombre, il faut ratisser large et gommer au maximum toutes les aspérités. Sauf qu’à trop vouloir lisser, le public n’a plus rien à quoi se raccrocher. C’est souvent, au contraire, dans des invitations artistiques plus atypiques et introspectives que l’on va sentir quelque chose résonner en nous. Comme si l’infiniment petit, le particulier, l’exception, étaient en réalité voués à devenir universels. Michel Ziegler avait dès le départ pour objectif de créer quelque chose d’unique et de jamais vu. Pour cela, il s’est inspiré humblement de sa passion pour les atmosphères étranges et les légendes locales, ainsi que de ses souvenirs d’enfance, en vacances dans les Grisons, là où la commune de Mundaun existe réellement (sous le nom d’Obersaxen Mundaun depuis 2015).
Évidemment, Mundaun peut s’apprécier sans connaître la moindre miette de l’historique de son développement. La proposition est suffisamment forte pour tenir sans son contexte. Toutefois, le travail patient et acharné de Michel Ziegler est si touchant et symptomatique des difficultés des créateurs indépendants, que je tiens à m’y attarder. Le premier point frappant, lorsque l’on se penche sur la genèse de Mundaun, est que Michel Ziegler a eu le courage de tout abandonner pour atteindre son rêve. Engagé dans une carrière d’ingénieur logiciel, il a la franchise de s’avouer à lui-même qu’il aspire à une vocation bien plus artistique et personnelle. Alors qu’il n’a pas touché à des crayons depuis son enfance, il se remet à dessiner, le plus possible. Il va même plus loin et reprend des études (d’illustration cette fois) et s’inscrit en école d’art à Lucerne en 2011 à presque 30 ans. Si, au départ, il pensait se lancer dans la BD, la route l’emmène ailleurs et après s’être penché sur le domaine du game-design, il crée son premier prototype de jeu vidéo en 2013. Cela s’appelle ELSE et s’inspire de Stalker, aussi bien du roman d’Arcadi et Boris Strougatski que du long-métrage d’Andreï Tarkovski.
Dans cette démo en 2D, l’on retrouve déjà le goût du noir et blanc, de la nature mystérieuse et des ambiances oppressantes. Cet amour pour ces dernières jaillit encore plus fort dans son essai suivant : The Colony, son travail de Bachelor, aussi en 2013.
Cette fois-ci, il s’agit d’une aventure de science-fiction aux couleurs délavées. Ziegler expérimente ce qui deviendra une des marques de fabrique de Mundaun : l’application de ses propres dessins et textures crayonnées sur des modèles 3D, conférant à The Colony et à Mundaun des styles très distinctifs. Le monde vivant de The Colony est plus qu’étrange, il est carrément bizarre ! Dans certains de ses recoins, notamment sa sphère géante, on retrouve des échos de l’excellent Pathologic et son Polyhedron qui échappe à toute description conventionnelle. Un coup du hasard ou une convergence mystique, car Pathologic 2, dont Ziegler est fan, ne sortira que bien plus tard en 2019 !
Fort de ces deux tentatives, Michel Ziegler se lance en 2014 : il va créer un jeu complet, inspiré du folklore alpin et reprenant sa direction artistique mêlant le papier et le numérique. Sans studio, ni aide, il démarre sans prétention, pensant le sortir gratuitement sur itch.io, comme il l’avait fait pour ses deux titres précédents. Il n’est en outre pas du genre à établir un plan détaillé à l’avance et préfère travailler de manière organique, une idée en amenant une autre. En parallèle d’importantes recherches bibliographiques et de repérages photographiques sur le terrain (à Mundaun !), il commence par modéliser un élément central dans l’idée globale mais encore un peu floue de son projet : le Muvel, un véhicule typique de la campagne, servant à ramasser le foin et dont il calque le look sur le Reform Muli 40. A ce moment-là, en juillet 2014, il écrit sur son blog que le concept initial de son futur jeu est « Eraserhead rencontre Farming Simulator ». Une note d’intention pour le moins étonnante !
Il est d’emblée convaincu que pour que son jeu soit agréable à parcourir, il va falloir varier les plaisirs et les moyens de locomotion. Pas question donc de limiter son personnage à des déambulations lentes et répétitives dans les prairies montagnardes. Après le Muvel, il s’attelle à son point d’ancrage suivant : la chapelle, un centre névralgique car Ziegler compte bien incorporer une présence démoniaque, typique du folklore alpin, à son histoire.
De fil en aiguille, Mundaun avance, à coup d’essais et de bugs, de croquis, de scans et de tests. Comme il est le seul maître à bord, tous les chemins sont ouverts et Michel Ziegler peut se laisser porter par le flux du moment sans attendre, sans discussion. Il intègre puis relie les éléments-phares entre eux. Plutôt pragmatique dans son approche, il ne perd pas trop de temps et tente immédiatement ce qui lui passer par la tête, afin de savoir tout de suite si cela peut fonctionner ou pas. Les personnages, l’intrigue et les environnements prennent doucement vie. Tant et si bien que Mundaun devient bien trop ambitieux pour se limiter à une simple sortie gratuite. Au passage, Ziegler s’adjoint quelques aides ponctuelles, notamment celle de l’autrice Gabrielle Alioth pour le scénario, ainsi que ceux d’Eric Lorenz et Michel Barengo, respectivement pour le sound design et la musique. Malgré tout, le créateur reste seul face à ses cahiers et son écran. Il est le maître unique de sa régularité, de sa motivation et doit affronter seul ses doutes et les difficultés, entre autres financières. Cependant, pas un instant il n’envisage de ne pas aller jusqu’au bout du voyage. Passionné par les détails, convaincu que ce sont eux qui rendent un monde tangible, il prend le temps qu’il faut et les ajoute les uns après les autres. Les mois deviennent des années et les carnets de croquis s’accumulent. Et puis, Mundaun éclot.
Malgré les milliers d’autres jeux à venir, comme autant de tentations pour le public, Michel Ziegler tente de promouvoir le sien sur les réseaux sociaux. Et grand bien lui prend, car il parvient à sortir du lot et à susciter la curiosité. Sa direction artistique originale et sa spécificité régionale intriguent. Désormais représenté par Hidden Fields, le studio qu’il a fondé en solo, le jeu est même repéré par MWM Interactive qui en devient l’éditeur. Mundaun finit par sortir le 16 mars 2021, soit presque 7 ans après le début de son développement. Après avoir passé autant de temps à ses côtés, Michel Ziegler peut enfin souffler un peu, bien qu’il supervise encore le portage Switch par la suite.
Mundaun nous plonge donc dans un environnement alpin. Nous y incarnons Curdin, un homme qui revient dans le village de son enfance (Mundaun) après avoir appris la mort de son grand-père dans l’incendie de sa grange. La montagne suisse évoque par défaut de verts pâturages, des fleurs des champs et des vaches qui broutent tranquillement. Or, dès l’introduction du jeu, il semble évident que celui-ci a d’autres ambitions qu’un walking simulator feel-good au milieu des edelweiss. L’aventure démarre dans un car postal, typique des régions escarpées helvétiques, dans lequel Curdin nous lit la lettre qu’il a reçu du Père Jeremias pour l’informer du décès de son grand-père. Jeremias insiste : notre visite n’est pas nécessaire. Forcément, le fait de nous suggérer de ne pas venir éveille notre curiosité. Tout comme les sonorités du romanche et l’aspect visuel crayonné. Ce préambule s’inspire de celui de Shining de Stanley Kubrick, lorsque la famille se rend à l’hôtel au début du film et que la caméra survole la dense forêt.
L’étrangeté de la Zone de Stalker ou l’oppression constante ressentie dans Shining font partie des influences sous-jacentes de Mundaun, au même titre que le folklore suisse. D’où l’importance capitale accordée par Ziegler à son atmosphère générale. Comme il travaille principalement à l’intuition, il s’agit ici surtout d’un substrat invisible sur lequel s’érige Mundaun et dont il se nourrit pour créer sa propre personnalité.
Un autre parti-pris (assumé et conscient cette fois) est celui de proposer quelque chose de différent et, par-dessus tout, aux tons variés. A la question des inspirations vidéoludiques, Ziegler cite ses jeux préférés : Deus Ex, Fallout 3, Goldeneye ou encore le premier X-COM (UFO: Enemy Unknown). Dans Mundaun, on ne se déplace pas qu’à pied (rappel au fameux Farming Simulator), on peut se battre (le jeu propose des ennemis et un système de peur qui peut nous ralentir) ou résoudre des objectifs secondaires. Le cœur de l’expérience reste toutefois l’exploration, dans des zones en adéquation avec les conditions de développement, c’est-à-dire suffisamment grandes sans être immenses. La prospection est souvent récompensée par la découverte des jolis panoramas, des détails cachés ou la possibilité d’augmenter les statistiques de son personnage. Celles-ci ne sont pas explicites, mais résumées via un croquis à l’intérieur de notre compagnon de route : notre carnet de notes. Ce carnet récapitule à la fois nos objectifs, ainsi que tous les indices ou informations utiles récoltées au long de nos pérégrinations. Il se présente sous la forme d’un véritable cahier, dont on tourne les pages gribouillées à la main, en totale cohérence avec l’univers graphique.
Cette fameuse cohérence prend une place primordiale en connectant le fond et la forme du jeu. Comme dit précédemment, Mundaun s’inspire des contes locaux, de ce genre de légendes crues et païennes que l’on imagine des grands-parents raconter à des petits enfants devant un feu de cheminée dans un chalet en bois. Michel Ziegler mélange ici à la fois des lieux réels (comme la chapelle, le pont ou la maison du peintre) et des éléments de folklore récurrents des régions montagnardes (sur lesquels je vais revenir plus bas). Le tout est lié par ses dessins au crayon graphite, au rendu charbonneux et mystérieux grâce à l’usage de la gomme comme d’un véritable outil liant les volumes.
Au tout début de Mundaun, après être descendu du car postal, la première zone nous est ouverte et l’on peut observer le contre-bas de la montagne : il est recouvert d’un épais brouillard, comme si le reste du monde avait disparu. Nous pénétrons dans un univers coupé du reste, à l’image de la vie solitaire dans les montagnes et de sa dimension fantasmagorique.
Malgré des différences selon les territoires, le folklore a quelque chose d’universel. Dans les Alpes, fatalement, l’on retrouve des points communs aux mythes campagnards : la paysannerie, le paganisme (en opposition à la chrétienté), la puissance animale (le bouc démoniaque par exemple) ou encore les sorcières, les lutins ou les géants. Les phénomènes naturels ou l’ampleur impressionnante et l’âpreté de la montagne sont autant d’éléments conduisant à la naissance de ce genre de légendes. J’aimerais m’attarder sur deux histoires, dont l’on retrouve l’influence dans Mundaun. La première est le conte du Pont du Diable, un récit folklorique typique. Dans le canton d’Uri (un des cantons fondateurs de la Suisse), les habitants voulaient construire un pont de pierre au-dessus des gorges des Schöllenen. Un projet d’une extrême difficulté, jusqu’à ce qu’un homme se présente à eux et leur propose d’accomplir le travail à leur place, en échange de la première âme qui franchira ledit pont. Les intéressées acceptent, et le pont voit le jour. Sauf que personne n’ose le traverser, car les humains ont bien compris qu’ils ont en fait rencontré le diable. Dans la tradition du paysan malin, les humains ont l’idée d’envoyer un bouc à leur place. Le diable, furieux d’avoir été dupé, lance une immense pierre sur eux, mais manque sa cible. Cette « Pierre du diable » est toujours visible, bien qu’elle ait été déplacée d’une centaine de mètres dans les années 80, suite au chantier de l’autoroute du Gothard. Si vous avez déjà terminé Mundaun, ce conte vous évoquera forcément quelque chose.
Une autre source, littéraire cette fois-ci, est le fruit d’un auteur suisse célèbre (du moins nationalement) : Jeremias Gotthelf. Dans son livre Die schwarze Spinne (ou en français L’araignée noire, 1842), il parle lui aussi d’un pacte avec le diable. Dans un cadre chrétien, l’histoire de L’araignée noire est narrée sous forme d’un long flash-back se déroulant plusieurs siècles auparavant. En résumé, les hommes sont (à nouveau) tentés par un diable déguisé, qui propose de les aider dans les travaux forcés qu’ils subissent, et ce contre l’âme d’un nouveau-né non-baptisé. Personne n’ose accepter, sauf Christine, une fermière qui décide de prendre le risque. Le diable scelle leur accord d’un baiser sur sa joue et, je cite, « [il] lui prit la main. Christine voulut la retirer, mais déjà elle était à la merci de l’homme vert et il lui semblait que sa paume grésillait entre des pinces chauffées à blanc ». Christine a plus d’un tour dans son sac et afin d’épargner les prochains bébés à naître, il est décidé qu’ils seront baptisés dès la sortie du ventre de leur mère, dans le but de déjouer les plans du diable. Sans surprise, ce dernier ne supporte pas le stratagème et Christine va en faire les frais. Là où le diable l’avait embrassée, une tache noire s’étend et la brûle de plus en plus chaque jour, jusqu’à ce que des milliers de petites araignées noires en jaillissent. Je vous laisse découvrir la suite de l’histoire si elle vous intéresse. Ce livre, Ziegler l’a découvert dans le cadre scolaire et l’a adoré, ainsi que les autres nouvelles de Gotthelf. Voilà pourquoi sa lecture nous rappelle tant Mundaun. Pour l’anecdote, je l’ai moi aussi étudié en classe et le destin funeste de Christine avait traumatisé plusieurs de mes camarades.
Ces contes et légendes lugubres vont, dans notre inconscient, être associés à des illustrations pittoresques de livres pour enfants ou à des vieilles gravures qui semblent appartenir à un temps révolu. La direction artistique de Mundaun rentre parfaitement, comme dit plus haut, dans ce registre. Mais Michel Ziegler ne s’est pas arrêté là et multiplie les couches symboliques comme autant de pages d’un cahier. Il y a la première peau, celle des textures crayonnées par ses soins et apposées sur les modèles 3D et formant également tous les décors. Puis, il y a notre carnet de notes (cité précédemment), sur lequel se tracent des dessins dans le dessin global. En creusant plus loin, l’on peut s’intéresser aux tableaux qui ornent les maisons, dont certains processus de création valent la peine d’être cités. L’un d’eux présente des soldats dans la neige, en adéquation avec le scénario (que je n’ai pas vraiment dévoilé). Michel Ziegler explique s’être inspiré d’une carte postale de la Première Guerre mondiale, qui est en vérité un des principales inspirations de son jeu ! Un autre met en scène des apiculteurs, un des ennemis de Mundaun. Ces effrayants personnages sont un hommage aux figures homonymes de Bruegel. Après en avoir créé le modèle 3D, Ziegler s’est amusé à choisir une pose, qu’il a ensuite redessinée sur papier, puis scannée et utilisée comme tableau. Un véritable ping-pong technologique.
A chaque tableau croisé, le protagoniste (et nous par son entremise) est comme hypnotisé par la toile et s’il l’on reste immobile, la caméra zoome dessus et des sons émanent des cadres, restituant un contexte imaginaire. Le joueur se retrouve aspiré par le dessin ornemental, lui-même inclus dans le dessin environnemental. Dès lors, il apparaît presque logique de rencontrer dès le début de l’aventure un peintre. Sans trop en dire, dans le but de conserver un maximum le plaisir de la découverte, une peinture maudite est à l’œuvre dans Mundaun et dès notre arrivée dans les alpages, nous rencontrons une toile au milieu de la nature qui nous fait plonger vers une vision démoniaque. À plusieurs reprises, le décor va d’ailleurs comme nous engouffrer dans sa propre dimension et nous emmener vers le passé, afin de nous aider à comprendre ce qu’il est arrivé à notre grand-père.
Un dessin, à la différence d’une photographie, contient fatalement une interprétation de la réalité par son auteur. Dans Mundaun, nous sommes par conséquent dans un monde qui se veut à la fois naturaliste, tout en ayant déjà été transformé par les coups de crayon de Michel Ziegler. L’écrin parfait pour adapter une horreur folklorique sombre et mystique. Une énigme nous propose même d’interagir directement avec une toile à l’aide de pinceaux. La figure du peintre semble être un élément récurrent dans l’univers de Ziegler, car déjà dans The Colony, un artiste confie que « sa peinture a vu quelque chose cette nuit ». Une idée qui évoque presque la femme à la bûche de Twin Peaks, ou quand l’objet devient témoin. Drôle de coïncidence, Twin Peaks signifie pics jumeaux, à l’image des deux pics noirs de Mundaun, qui nous surplombent pendant toute l’aventure comme les cornes d’un démon.
Cette représentation symbolique du diable nous sert de point de repère en étant à la fois notre destination et le point le plus haut de la région. Les deux aiguilles sont aussi sombres que le ciel lorsque la nuit tombe. Dans un jeu en noir et blanc, impossible de ne pas prêter attention au contraste. Tout comme l’usage de la gomme adoucit les dessins de Michel Ziegler, les journées de Mundaun, en plein air, sont accueillantes et champêtres, dans un dégradé de gris. Mais dès que le soleil se couche ou disparaît (lors d’exploration d’une grotte ou d’un bunker), la lumière de notre lanterne et les ombres qui en découlent deviennent nos plus proches compagnons. Il ne faut pas pour autant toujours s’y fier, car certains détails essentiels se cachent et n’apparaissent que dans les reflets des flaques d’eau ou des lacs cristallins.
A la beauté inhérente de la nature montagnarde s’oppose alors un effrayant mélange de peur, de regrets et de solitude. Un certain surréalisme s’empare petit à petit de notre voyage, nous offrant des séquences d’horreur stylisée ou kafkaïenne. Après tout, en franchissant le portail de Mundaun au début du jeu, en se déplaçant au-dessus des nuages, nous sommes définitivement arrivés quelque part hors du temps. Michel Ziegler souhaitait faire un jeu unique et intemporel et il a offert en sacrifice sept ans de sa vie dans ce but. Espérons pour lui qu’il n’a pas signé un pacte avec le diable pour cela. Dans tous les cas, la mission est accomplie. Vous trouverez peut-être quelques défauts à Mundaun, c’est un premier jeu après tout, mais ses qualités les compensent largement, surtout si vous êtes sensibles à la folk horror.
Dans un fil Twitter en juillet 2021, Michel Ziegler revient, en toute transparence, sur ses problèmes de budget et de stress pendant le développement de Mundaun. Malgré un éditeur et une visibilité à l’international, de très bonnes critiques et des ventes correctes, il n’a pas de quoi se lancer dans un nouveau projet. S’il aborde le sujet par le prisme du financement suisse, il s’agit d’un questionnement que l’on peut étendre à l’ensemble de la production. J’espère que depuis, il a trouvé un soutien pécuniaire correct pour l’accompagner et continuer de créer des jeux vidéo, en prenant en compte le fait qu’il est devenu père pendant le développement de Mundaun (félicitations !).
Mundaun est disponible sur PC et consoles. Il dure une petite dizaine d’heures et comporte plusieurs fins.
Quelques bonus divers et variés :
- La plupart des images sont tirées de l’excellent making of du jeu visible ici
- La Suisse compte plusieurs créatures folkloriques fort effrayantes, qu’elle partage souvent avec l’Allemagne et l’Autriche. Il y a par exemple Krampus ou Schmutzli, des sortes de version dark de Saint Nicolas / Samichlaus (l’équivalent du Père Noël si vous ne connaissez pas) qui viennent punir (et frapper !) les enfants qui n’ont pas été sages ; beaucoup de masques sont mis à l’honneur dans de nombreux carnavals tout au long de l’année, notamment ceux des Tschäggättä ou des Perchten (figures féminines monstrueuses, associées aux sorcières ou à Percht une ancienne déesse) ; la Sennentuntschi est particulièrement glauque car elle s’inspire de l’histoire d’une poupée de femme confectionnée par des paysans pour assouvir tous leurs besoins, on raconte qu’elle finirait par prendre vie, puis se venger ; le Böögg (ou Bonhomme hiver en français) est une tradition encore présente de nos jours, elle consiste à brûler en place publique un immense bonhomme, tel une cérémonie païenne, à la fin de l’hiver, et selon la rapidité du feu, on prédit si l’été sera bon ou mauvais.
- La Suisse est connue dans le monde entier pour sa neutralité, c’est pourquoi il peut sembler étonnant de voir dans Mundaun une si grande importance accordée aux souvenirs de la guerre et aux soldats. C’est qu’en vérité, comme on peut le voir dans le jeu, les bunkers sont très nombreux en Suisse (notamment dans les Alpes), au point de prendre soit des allures de légendes urbaines, soit de carrément devenir des lieux touristiques. De plus, s’ils peuvent aujourd’hui les laisser en dépôt, les personnes effectuant leur service militaire ramenaient leur arme de service à la maison il y a encore quelques décennies (sans munitions, heureusement). Ce qui explique un très haut pourcentage d’armes par rapport à la population en Suisse et des souvenirs d’enfance avec un fusil d’assaut à la maison !
- Sur le blog du développement de Mundaun, on peut voir plusieurs idées abandonnées qui semblaient très prometteuses. D’ailleurs, certains éléments visibles dans le jeu (comme une série de masques par exemple) laissent à penser que certaines énigmes ont été abandonnées en cours de route.